Jérôme Berthoud: “Les clubs genevois doivent être moins démunis face à toutes formes de violences” 

Dès le 1er août, Jérôme Berthoud, qui est co-directeur de l’Observatoire du sport populaire, va agir comme chargé de prévention dans les milieux sportifs genevois. Un mandat de deux ans mis en place par l’AGS, en collaboration avec l’Office cantonal de la culture et du sport, du Service des sports de la Ville de Genève ainsi qu’avec Swiss Olympic.

Jérôme Berthoud, que représente ce mandat de chargé de prévention?

Il y a deux parties assez distinctes. La première vise à mettre en place un dispositif dans les milieux sportifs genevois. Il s’agira de faire une cartographie des problématiques qui existent en termes de violences au sens large. De voir quelles sont les ressources actuelles et les besoins. Il faudra ensuite mettre en place concrètement une manière de répondre au mieux à ces problématiques. En se basant aussi sur ce qui existe déjà, comme des initiatives ponctuelles ou locales qui pourraient être étendues. Et en les complétant avec nos observations faites lors de la première phase. Il s’agira aussi de s’entourer d’un groupe d’experts qui peuvent intervenir sur des thématiques. Dès le mois d’août ou septembre de l’année prochaine, l’idée est de lancer les premières mesures du dispositif.

Et la deuxième partie?

Une plus petite partie du mandat consiste à endosser le rôle de délégué « cool and clean ». Cela concerne les dépendances notamment, mais aussi les violences contre soi, la gestion des conflits à l’interne. Il y a une dizaine de thématiques sur lesquelles des clubs peuvent travailler avec le délégué. Dès le début du mois d’août, je prendrai contact avec des clubs qui ont une problématique spécifique et qui souhaitent la valoriser. Cela peut concerner des pressions, des conflits, des soucis liés à l’alcool, le tabac ou le dopage. L’activité principale est un suivi de club, notamment avec des sensibilisations sous la forme de jeux pour s’adresser aux jeunes.

Concernant votre rôle de chargé de prévention, y-aura-t-il aussi une phase de terrain?

Oui, le suivi se fera sur le terrain. Il y aura une évaluation qui se fera à la fin des deux ans. La mise en place des mesures, la communication, la sensibilisation se feront à ce moment-là. Il y a donc quatre étapes: l’analyse, la mise en place d’un dispositif, le lancement et l’évaluation.

Il y a pas mal d’inconnues liées à ces violences qui ne sont pas toujours médiatisées. Votre mission consiste-t-elle aussi à faire la lumière sur celles-ci?

Tout à fait. D’où l’importance pour moi d’avoir une phase d’analyse lors de laquelle nous allons contacter les fédérations et les clubs genevois. Un questionnaire va probablement circuler, qui permettra de comprendre quelles sont les différentes problématiques. Des Etats généraux ont été mis en place après les évènements de violence qui ont frappé le football amateur, mais les violences ne sont pas uniquement physiques.

Les Etats généraux ont conduit à la création de votre poste?

Oui, mon poste fait partie des Etats généraux, c’est une mesure qui a été souhaitée à ce moment-là car plusieurs choses se mettent en place. Il manquait en revanche un interlocuteur privilégié, donc on risquait de potentiellement perdre en cohérence. L’idée est d’avoir un point central depuis lequel les choses seront éventuellement redirigées si je ne peux pas apporter de solution moi-même.

Comment allez-vous changer les mauvaises habitudes?

Cela va dépendre des premiers mois, il faudra analyser à quel point les problématiques sont isolées ou s’il y a des éléments plus ancrés. Mais dans la littérature scientifique, on a pu observer des éléments propres à la culture sportive. Certains comportements normalisés peuvent être blessants et poser des problèmes. C’est le cas par exemple des bizutages, qui sont des rituels normalisés pouvant conduire à des excès.

Y-a-t-il des sports plus touchés que d’autres?

On a beaucoup parlé de violences physiques dans le football, avec des évènements qui ont vraiment dégénéré. Mais il y a aussi des violences liées à des pressions psychologiques sur les jeunes athlètes, comme les cas qui ont frappé la gymnastique à Macolin par exemple. L’idée est de voir comment les choses se passent à Genève, mais aussi quelles sont les ressources à disposition des clubs.

En quoi votre mission sera réussie à la fin de vos deux ans de mandat?

Bonne question! Ce sera du qualitatif plutôt que du quantitatif. L’idée n’est pas de dire « on va voir tant de formations ». Si d’ici deux ans on voit qu’il y a toute une série de mesures qui sont mises en place et qui visent à rendre le sport plus sain pour toutes et tous, on sera sur la bonne voie. Mais j’aimerais aussi avoir le sentiment que les clubs soient beaucoup moins démunis qu’avant et savent qu’ils sont écoutés. Et que leurs problématiques peuvent remonter. Mais personne ne peut affirmer qu’il n’y aura plus aucun problème dans le sport dans deux ans.

Sylvain Bolt

 

Photos © Jérôme Berthoud