Parmi les 2500 membres de l’un des 22 clubs de tir sportif à Genève, il n’y a pas que des nostalgiques de l’armée qui viennent dépoussiérer leur fusil militaire. En face de la cible, on retrouve même des femmes et des jeunes. «Entre 15 à 20% des membres genevois sont des femmes, précise Laurent Jakob, président de l’association genevoise de tir. Environ 400 jeunes sont formés dans les cours de jeunes tireurs et nous devons en refuser près de 150 par année.»

L’Arquebuse est le club phare du canton. C’est le plus grand (un tiers des membres genevois y sont licenciés) et le plus complet. Ici, on propose huit des neuf disciplines, du fusil à 300 m au pistolet en passant par la carabine à 50m. Son école de tir forme des talents. Jennifer Kocher y a découvert le tir sportif par le biais de son père, un ancien tireur. Elle a trouvé ce sport d’abord ennuyeux au point de rendre les armes avant de changer son fusil d’épaule vers 13 ans et ne plus quitter sa carabine.

À 18 ans, la Genevoise fait partie du gratin helvétique junior. Double championne suisse de carabine 50 m et 10 m en M17, Jennifer Kocher est aussi double vice-championne nationale à 50 m dans la catégorie M21 en 2020. «Sur le canton de Genève, peu de tireurs rivalisent avec Jennifer, souligne Laurent Jakob. Ses performances motivent d’autres jeunes et c’est bénéfique pour notre sport.»

Dans la cible de Jennifer Kocher : les Jeux olympiques de 2028. Pour réaliser cet objectif, la Genevoise a rejoint le Centre Romand de Performances pour le tir sportif créé en 2017 à Lausanne. Elle est la seule représentante du canton. «Je m’y entraîne une fois par semaine avec des coaches très bien formés. Il y a une émulation qui se dégage, précise la tireuse de 18 ans. À Genève, je me sens parfois un peu seule aux stands.»

Si le sport reste un environnement majoritairement masculin, ce n’est pas le cas en élite. Les cadres régionaux qui s’entraînent à Lausanne comptent sept filles (et un garçon). Au niveau national, l’entraînement qui a lieu toutes les trois semaines à Macolin regroupe cinq filles et un garçon.

«L’éducation des jeunes filles, généralement plus cadrée et plus réglementée que celle des garçons, est l’un des facteurs explicatifs, observe Jennifer Kocher, qui a réalisé son travail de maturité sur la question de la mixité dans son sport. En Coupe du monde élite, la moyenne des résultats des tirs des femmes est plus haute d’environ un point que celle des hommes. Si le tir sportif devenait mixte, surtout à 10m, il n’y aurait quasi pas d’hommes en finale.»

«Mentalement, il faut être très fort. Si tu commences à douter, le coup est raté, explique la Genevoise. À la carabine, discipline dans laquelle Jennifer Kocher excelle, la position du tireur est l’une des plus complexes. «On porte un équipement rigide, notre corps sert de trépied pour porter l’arme qui est bien plus lourde que le pistolet et il faut tenter de rester stable. La difficulté, c’est de parvenir à tirer avec la même précision. Parfois jusqu’à trois heures que peut durer la compétition. C’est un combat avec soi-même.»

Jennifer Kocher va viser la finale dans ses deux disciplines lors des Européens juniors qui se dérouleront fin mai en Croatie. «J’aimerais ne surtout pas sortir du top 15», conclut l’ambitieuse tireuse, qui avait raté ses championnats d’Europe en 2020 et n’a pas l’habitude de rater deux fois son coup.

Sylvain Bolt

 

Photos © Association genevoise de tir sportif et Allan Cosandier