Oubliez vos idées préconçues, les clichés largement véhiculés concernant les sportifs: grand espoir du plongeon helvétique, Jonathan Suckow les fait allègrement voler en éclats. Le jeune homme de 19 ans (il est né le 4 janvier 1999), qui affirme que son monde est celui de l’extravagance, affiche une personnalité riche, des dispositions intellectuelles remarquables et donc des centres d’intérêt qui ne s’arrêtent de loin pas à son sport. Ainsi qu’une volonté permanente de recherche esthétique sur laquelle le résultat à atteindre ne prend jamais le pas.

A 15 ans (il était alors déjà membre du cadre national depuis cinq années!), l’élève de Christiane Favia à Genève-Natation avouait s’intéresser à l’histoire, aux sciences politiques, à la géographie, à la théologie, à la psychologie… Ce qui ne l’a pas empêché ensuite de diriger ses études vers l’économie et le droit. Il a pris ses quartiers depuis l’an dernier au sein de la Columbia University de New-York (où il va s’orienter vers les sciences sociales), suivant en cela l’exemple familial. Le père de « Jon » est américain, il faut le préciser, sa mère chinoise.

Il ne faut guère de temps pour comprendre qu’entraîner le garçon est un bonheur, tant sportivement qu’humainement, pour ceux qui en sont chargés. Christiane Favia évoque volontiers « la riche complicité » qui la lie avec son plongeur: « Je n’ai jamais eu autant de retours avec un élève ». Scott Donie, son entraîneur à Columbia, n’est pas moins élogieux: « Je suis tellement impressionné! Jon élève le niveau de mon coaching (réalisé en étroite collaboration avec Chris), tire toute l’équipe vers le haut et réalise par un jeu d’équilibre déconcertant son adaptation à son nouvel environnement, et cela dès les premières échéances », admirait-il dès novembre 2017.

Champion d’Europe chez les juniors B (une première helvétique) au tremplin de 1 m en 2013, le Genevois a collectionné depuis les performances de choix, s’adjugeant notamment l’an dernier le titre européens juniors A, à 1 m toujours, une année après avoir empoché l’argent dans la même discipline. En 2016, il a également enlevé le bronze en synchro avec le Lausannois Simon Rieckhoff. Le tout malgré le lourd handicap d’un tympan déchiré deux semaines plus tôt! Le duo décrochera également la 6e place continentale en élite cette année-là. Au niveau mondial, Jonathan a terminé 6e en juniors B (3 m) en 2014, ainsi que 4e aux 3 m et en synchro en juniors A en 2016.

Triple champion national élite (1 m, 3 m, synchro) en 2018, le plongeur – que l’on dit « concentré, méticuleux, avide d’apprendre » – s’est également illustré l’an dernier dès son arrivée outre-Atlantique, remportant ses trois premières compétitions universitaires en battant à chaque fois les records de la Columbia à 1 et 3 m. Le plongeur du Petit-Saconnex a participé début août aux championnats d’Europe élite à Edimbourg, y obtenant (en tant que benjamin de la compétition) sa première participation à une finale (à 1 m) et une belle 7e place, après un fabuleux 2e rang en qualifications! Aux côtés de Michelle Heimberg, le Genevois a par ailleurs terminé 5e en duo, un magnifique résultat également.

Jonathan, qui dit s’être « adapté à merveille » à sa nouvelle vie aux Etats-Unis, consent à New-York un effort hors du commun pour exceller à la fois en sport (qui n’a pas la priorité à Columbia) et dans ses études. Les prochaines occasions de mesurer les résultats de ses choix et de son engagement seront les mondiaux de Gwangju (CdS) en juillet 2019 et les championnats d’Europe de Kiev en août.

Philippe Roch

Photos © Daniel Heimberg